En tant que grande sensible, j’ai souvent l’impression d’être un petit morceau de papier de soie. Je peux être si légère, voler si haut. Et, parfois, s’il pleut fort, je peux rester clouée au sol, comme engluée. Être hypersensible, c’est vivre tout très fort. Le joli comme le moche. Les vols en altitude, comme les heures dans le goudron encore chaud. Ce qui effleure les autres me griffe. Ce qui soulève un coin de sourire chez les autres, me fait pleurer de joie. Je suis née comme ça. Mon âme est à vif. La vie m’éblouit, me brûle, m’enchante, me gifle, me transporte, me transcende… Ma boîte de vitesses n’a pas l’option ”point mort”.
Parfois, je me dis que je me suis peut-être trompée de planète. Je dois venir d’ailleurs. C’est éreintant de vivre comme ça, par ici! C’est comme si ma peau était plus fine que celle des autres. Comme si elle me protégeait moins. Comme si je cachais, derrière cette peau en soie, un petit magasin de porcelaine. Et comme si, malgré moi, j’y laissais trop souvent entrer les éléphants… le monde me parait parfois si brusque, si maladroit. Heureusement que, dans le package, j’ai aussi reçu le pouvoir magique d’y voir toute la magie!
Je pense aussi que j’ai hérité d’une paire de lunettes un peu spéciale. Elle me permet de voir des choses que les autres ne voient pas. La magie de la vie. Un papillon sur une corniche. Un éclat de joie dans une larme. Une girafe dans les nuages. Un cœur au fond de ma tasse de thé. C’est une paire de lunettes-kaléidoscope. Là où les autres voient une seule et unique chose, j’en vois plein. Je vois tout en mille dimensions. Toutes les facettes d’une réalité. Oui, comme les mouches. C’est génial. Fou. Fascinant. Ça me rend vivante! Et, pour ne rien vous cacher, c’est aussi parfois très très très… fatigant.
Je ressens aussi les choses différemment. C’est fou, la quantité d’émotions qu’un grand sensible peut ressentir en même temps. Toutes ces émotions peuvent se coller les unes aux autres, comme ça, paf, au même instant: de la frustration, de la joie, de la colère, de l’impatience, de la tristesse, de l’envie, etc. Il y a ses émotions à soi, et comme si ça ne suffisait pas, il y a celles de tous les autres autour. Allez-y, vous, pour faire le tri dans tout ça!
Vous l’aurez compris: certains jours, je me sens donc comme un oisillon tombé du nid et les jours d’après, comme un pur-sang au galop de charge. Et entre les deux? Il y a quoi entre les deux? C’est tout le travail de l’hypersensible (Oh la la, je n’aime décidément pas ce mot). Trouver l’équilibre. Tomber. Se relever. Encore et encore. Et devenir un oisillon au galop de charge.
J’ai longtemps cru que c’était un problème. Une maladie. J’ai longtemps détesté cette part de moi, que j’associais à trop de fragilité. J’ai même cru que c’était parce que j’étais une femme… Et que, bien sûr, à cause de ça, je valais moins qu’un homme (hum). Il y a si peu de place pour la vulnérabilité, dans ce monde de la toute-puissance. C’est presque un vilain mot. Et je me suis fait avoir: j’ai pensé comme ce monde. Trop longtemps, j’ai oublié qu’un morceau de papier de soie… sert la plupart du temps à emballer un cadeau. Quelque chose de fragile, certes, mais de précieux avant tout. Un tout joli cadeau.
Pour arriver à transformer ce challenge un peu fou de la vie en petit miracle, il faut s’aimer fort fort fort. S’autoriser la douceur. La bienveillance. L’amour. La poésie. La tendresse. La lenteur, aussi. Au creux de soi et autour de soi.
Je souhaite que tous les morceaux de papier de soie qui se sont posés ici virevoltent! Et si, certains jours, le sol colle trop fort, ce n’est pas grave. Dites-vous que vous prenez juste un petit moment de pause pour voler plus haut demain. Ne l’oubliez jamais: vous volerez toujours plus haut que les autres!
Sans nous, petits extraterrestres aux grands cœurs, la vie aurait moins de saveur. Sans nos lunettes à facettes, sans nos âmes-éponges, sans nous, artistes, créatifs, idéalistes, magiciens des temps modernes, le monde serait moins lumineux!
Bise, Lou.
Source FB : Les tiroirs de Lou