Une réflexion de Daniel Meurois
Aimer tout le monde… Est-ce possible ? Cette question, je vous avoue que je me la pose avec de plus en plus d’acuité. Et pourtant… en principe avec mon cheminement, mon engagement et les responsabilités que cela induit, je devrais y répondre sans réfléchir par un grand oui. Au cœur d’une démarche christique, nul ne devrait même s’interroger à ce propos.
L’amour inconditionnel, sans ¨oui mais¨ et sans frontière… n’est-ce pas ce que l’on clame dans le milieu dit spiritualiste ?
Certes, cependant il me semble que cette affirmation est devenue aujourd’hui une sorte de banderole ou de bannière que l’on agite un peu trop rapidement et sans réflexion. Je crois en effet que le côté automatique de cette déclaration aux couleurs très ¨nouvel-âge¨, au sens caricatural du terme, tient d’un conditionnement propre aux adeptes du « tout le monde il est gentil ».
En regardant bien notre monde sans se raconter d’histoire, on s’aperçoit facilement que tout le monde n’est pas si gentil que cela sur Terre… et depuis toujours. Il y a même des périodes où il est clair que la part d’ombre de notre humanité se déchaîne particulièrement. Les années que nous vivons en sont la démonstration flagrante.
Alors faut-il donc entrer dans la ¨mêlée batailleuse¨ de tous ceux qui se soucient peu d’une démarche intérieure même si nous avons des aspirations visant, selon l’expression, à l’expansion de notre conscience ?
Ce n’est pas du tout ce que je veux dire. Il est évident que si l’on veut être cohérent avec l’idéal qui nous habite, nous devons aller vers une attitude de plus en plus aimante. Ça ne se discute pas.
Ce qui se discute, par contre, c’est la façon de manifester une attitude christique notamment dans notre recherche du sincère et du vrai. Cette recherche-là exige discernement, vigilance et courage car elle nous demande d’affirmer régulièrement nos positions et de ne pas craindre d’exprimer nos désaccords. En bref, elle signifie que nous devons chasser de nous toute hypocrisie sous prétexte d’un amour inconditionnel idéal et ¨de bon ton¨ à offrir tous azimuts.
En ce qui me concerne, je pense avoir trop vu de ces personnes qui prétendent très aisément ¨aimer sans conditions¨ tout en étant inconscientes du masque de plus que cela représente.
S’imaginer que le Christ appréciait d’emblée tous ceux qu’Il rencontrait et qu’Il les savait ¨gentils¨ serait une erreur. Il n’hésitait pas à rabrouer certaines personnes, à les secouer et même à les choquer si besoin était. Les marchands du Temple et certains Pharisiens, on le sait, en ont pris pour leur compte.
De ces marchands et de ces Pharisiens, n’en doutons pas, il en reste beaucoup aujourd’hui, dans toutes les couches de la société, même dans celle qui se dit la mieux intentionnée…
Ce n’est pas pour eux que j’écris ces mots car ils ne se sentent jamais concernés. C’est plutôt pour ceux qui les détectent, les voient agir mais qui n’ont pas le courage de les affronter sous le fameux prétexte de l’amour inconditionnel à afficher systématiquement ou du détachement propre à la sagesse. La sagesse ?
À ceux-là, j’ai simplement envie de dire qu’avant d’apprendre à voler aussi haut qu’ils le souhaitent, il y a un temps pour apprendre à savoir s’engager les deux pieds sur Terre, un temps pour cultiver le discernement, la lucidité et le courage, un temps pour apprendre à ne plus faire semblant, un temps pour savoir entendre autre chose que ce qui nous brosse dans le sens du poil, un temps enfin pour manifester la volonté et la force de réagir face aux injustices puis aux ignominies.
Personnellement, je n’ai pas peur de l’avouer publiquement, je ne suis pas capable d’aimer tout le monde inconditionnellement. Je n’en ai pas honte… et lorsque je vois le mensonge, l’escroquerie, la spoliation et tous les types de violence et d’inéquité s’étaler sans vergogne, je ne peux m’empêcher de réagir. En cela je me sens proche du Christ en la personne de Jésus, tel que Celui-ci a foulé notre sol il y a deux millénaires.
Bien sûr, comme chacun je suis en quête de l’Amour Universel avec un grand A et un grand U, celui qu’Il m’a enseigné et qu’Il continue toujours de m’enseigner. À son contact, je pense seulement avoir compris qu’un tel Amour n’est pas ¨rose-bonbon¨. Il est parfois fait de justes colères, de légitimes dénonciations et de gifles salutaires. Cet Amour-là se cultive aussi par la cohérence de l’être et le dessillement de ses yeux, on ne le dit pas assez.
Alors, si vous voulez mon opinion, avant que de prétendre aimer tout le monde, apprenons d’abord à aimer ce qui est vrai, sincère et juste. Ce sera déjà énorme et ce sera le pas décisif qui changera notre monde.
Cela nous enseignera d’une magnifique façon comment avancer vers les secrets d’un Amour sans cesse plus vaste et indéfiniment perfectible. Cela nous dissuadera aussi de nous engager sur les chemins de la haine car eux, comme chacun sait, sont faciles à emprunter.
Pour ma part – et c’est ma deuxième confession du jour – ceux-là je ne les connais pas. Vous non plus, j’espère…
© Daniel Meurois
Source : https://aucoeurdelunicite.com/