Les billets de Michel A.
Je vous rassure, je ne suis pas ce tyran. Mais il y a bel et bien un tyran en moi, je l’ai reconnu. Il ne s’est pas encore montré directement, il ne le fera d’ailleurs jamais, il n’en a pas le courage, car il serait totalement mis à jour, et cela signifierait sa fin. Mais j’ai reconnu ses manières sournoises, ses manipulations et même ses attaques quand il se sent en danger.
Ce tyran vit en moi, à l’image d’un parasite qui se nourrit de son hôte. Oui, il se nourrit de mes énergies, me pompe même, mais ce n’est pas un parasite ordinaire, car c’est moi qui l’ai créé. Une fois encore, je vous rassure, je ne l’ai pas créé volontairement. Comment est-il né ? Je ne le sais pas exactement. Je sais par contre que cela date de fort longtemps, au point que nous avons très longtemps cohabité ensemble sans que je réalise que je n’étais pas lui.
Il a grandi petit à petit, et a envahi peu à peu ma terre intérieure, sans que je ne comprenne ce qui se passe, et sans que je m’aperçoive que je perdais progressivement mon identité, que je confondais avec la sienne. Son emprise sur moi est devenue telle que je me suis retrouvé relégué au second plan. Moi, son créateur, j’étais dominé par ma créature !
Il m’a fallu beaucoup de temps pour m’en apercevoir. Ça a commencé quand j’ai observé que je n’étais plus en accord avec ce que « je » faisais. Par exemple, je regrettais certaines paroles aussitôt qu’elles soient sorties de ma bouche, ou certains gestes malvenus, ou que je ne comprenais plus « mes » ressentis à l’égard de personnes aimées.
J’ai finalement compris qu’il y avait plusieurs « je » en moi, et que ce tyran qui disait « je » n’étais pas moi, en tant que moi qui vous écris, moi qui observe ce tyran. Oh, j’ai dû m’appliquer un long temps pour arriver à ce discernement, pour être capable de démêler nos deux identités.
Si je vous en parle aujourd’hui, c’est parce que je crois que nous sommes un peu tous dans le même état, et que vous aussi vous pouvez vous trouvez en prise avec un tyran intérieur. Si une partie de vous pense ou dit des choses comme : je suis stupide, tous des imbéciles, c’est la faute à…, eh bien vous pouvez être certain que c’est le tyran qui parle.
Comme tout tyran, il est impitoyable, et cherche à rabaisser les autres, y compris vous, l’autre « je », juge tout le monde, se met en colère, veut toujours avoir raison. Et par-dessus tout, il cherche à nous faire peur, à nous maintenir sous sa coupe en nous manipulant par la peur. Pour vous empêcher de le reconnaître, il fait tourner des scénarios de catastrophe, de critiques et de commérages dans votre tête, un verbiage incessant qui étouffe les élans de la conscience, de notre vrai « Je ».
Si vous êtes comme moi, vous aimeriez bien le voir s’en aller ce tyran. Mais user de violence pour le faire partir ne servira à rien, car il se nourrit de violence. Par expérience, je sais que la douceur, la tendresse, l’amitié le font fuir, tout comme les arts et l’expression créatrice. Dans mon cas, écouter de la belle musique et écrire surtout me connectent à mon « Je » profond, me placent en position d’observateur, d’où je peux mieux identifier ce tyran et ses manigances. Il doit donc s’effacer. Je sais qu’il est encore là, mais avec suffisamment de vigilance, je reconnais maintenant assez vite lorsqu’il pointe son nez.
Je me dis qu’en l’affamant, c’est-à-dire en ne réagissant plus à ses provocations, jugements, élans de colère ou de victimite, apitoiements sur lui-même et autres jeux égocentriques, il devrait finir par chercher une autre maison, à moins qu’il ne meure de sa belle mort. Les funérailles seront joyeuses, c’est certain !
Michel A.
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Source https://aucoeurdelunicite.com